mardi 28 mai 2013

la rente financière et foncière

La Commission européenne reproche à la Chine de ne pas favoriser la rente financière et foncière en Chine. Et ce sont justement ces rentes qui sont à l'origine de la crise économique actuelle à l'occident.

La Commission européenne reproche donc à la Chine de profiter de l'absence du marché des capitaux en Chine. Le fait de ne pas copier le système financier européen constitue une forme de dumping ...

http://www.lesechos.fr/opinions/analyses/0202776278644-les-raisons-du-bras-de-fer-commercial-bruxelles-pekin-569740.php

On croyait la Commission européenne raisonnable et un brin naïve. Et voilà que, excédée, elle a montré ses muscles. Bruxelles a surpris tout le monde ces dernières semaines en s'en prenant sans ménagement à la Chine, dont les pratiques commerciales sont désormais clairement désignées comme une forme de tricherie. Coup sur coup, en moins de quinze jours, l'Europe vient de dévoiler des mesures fortes contre des industries considérées comme stratégiques par Pékin : il y eut d'abord les importantes taxes douanières - pour l'instant provisoires - sur les importations de panneaux solaires chinois. Puis il y eut l'annonce de l'ouverture prochaine d'une procédure contre deux joyaux technologiques chinois, les équipementiers de télécoms Huawei et ZTE. A cela, on pourrait également ajouter les droits de douane entrés en vigueur mi-mai contre les céramiques venues de l'empire du milieu.
Sur un plan diplomatique et commercial, il s'agit d'une charge sans précédent de l'UE. Au point qu'elle a même arraché un compliment à Arnaud Montebourg, pourtant en conflit ouvert avec le libéral Karel De Gucht, le commissaire européenne au commerce. N'en déplaise à notre bouillant ministre, le terme de « tournant » qu'il a évoqué est toutefois un tantinet exagéré. Certes, c'est la première fois que Bruxelles engage aussi nettement un bras de fer public avec Pékin, faisant fi des menaces de rétorsions. Mais l'orage couvait depuis quelque temps déjà, au moins cinq ans.

Au début de la décennie précédente, les Européens ont d'abord été patients avec la Chine, qui venait tout juste d'entrer à l'Organisation mondiale du commerce fin 2001. Mais, au bout de quelques années, il a fallu se rendre à l'évidence : les promesses de changement des pratiques commerciales n'étaient pas forcément tenues. Les ventes à perte n'ont pas disparu. Et puis les entreprises chinoises étaient - et restent encore aujourd'hui - très proches de l'Etat ou des provinces, avec des facilités pour l'achat d'immobilier ou de foncier, des prêts bancaires préférentiels. « Il y a une culture du subventionnement en Chine. Tant que le pays n'exportait pas, ça allait, mais, désormais, c'est insupportable pour les entreprises européennes, qui sont, elles, soumises à un strict contrôle des aides d'Etat », décrypte un avocat bruxellois.

Forte de ce constat, l'Europe a alors commencé à attaquer beaucoup plus lourdement après 2007. L'historique des mesures antidumping et antisubventions imposées depuis 2001 par Bruxelles illustre parfaitement ces tensions grandissantes. Au début de la décennie précédente, l'Union européenne avait environ une trentaine d'actions de ce genre contre les entreprises chinoises, selon les chiffres recueillis par « Les Echos ». Puis c'est la dégradation, et le nombre de ces mesures tourne depuis 2008 entre 48 et 55. Une progression forte, comprise entre 40 % et 60 % selon les années.

Surtout, ce qui frappe, c'est que Pékin est désormais très clairement la principale cible des Européens. Là encore, les chiffres sont éloquents : désormais, les attaques contre la Chine représentent 43 % des mesures commerciales imposées par Bruxelles, contre moins de 20 % il y a dix ans. Presque une procédure sur deux ! Certes, il faut noter que le nombre total de procédures européennes contre ses rivaux mondiaux décroît depuis dix ans, augmentant automatiquement le poids relatif de celles visant Pékin. Tout cela est très vrai, mais ne peut éclipser une réalité plus brutale : Bruxelles ne veut plus laisser passer des pratiques jugées déloyales et va plus volontiers à l'affrontement pour obtenir gain de cause.

Les attaques lancées contre Pékin sur les panneaux solaires et les télécoms amplifient donc cette tendance. Leur retentissement s'explique aisément. Dans les deux cas, on touche à des industries d'avenir, qui incarnent aux yeux de Pékin la montée en gamme de son économie. Rien à voir avec les fabricants de vélos visés autrefois par les taxes douanières européennes. Deuxième nouveauté, l'exécutif de l'UE s'est saisi du dossier des télécoms sans que personne ne le lui demande. Dans cette affaire, les acteurs européens que sont Alcatel-Lucent, Nokia ou Ericsson ont trop peur qu'une plainte de leur part ne leur ferme les portes du marché chinois. Ce qui est valable dans les télécoms est valable pour bien d'autres secteurs.

Le coup d'éclat européen n'a pas laissé la Chine sans réaction. En quelques semaines, deux procédures antidumping ont été lancées par Pékin, contre des groupes chimiques européens et des fabricants de tubes sans soudure, notamment Vallourec. Ces mesures de rétorsion peuvent laisser craindre une escalade difficilement contrôlable, ce contre quoi a mis en garde Angela Merkel. Bruxelles est conscient de ce danger et ne veut pas se laisser embarquer dans une guerre sans limite. Son idée n'est pas d'ériger des barrières protectionnistes mais plutôt d'instaurer un rapport de force. Désormais instruit, l'exécutif européen a compris qu'il était plus facile de négocier avec Pékin quand un pistolet chargé était posé sur la table. Aussi bien dans le solaire que dans les télécoms, les actions prises sont provisoires mais suffisamment fortes pour pousser Pékin à des concessions. Ensuite, si les choses s'arrangent, il sera bien temps de reparler de développement des échanges.

jeudi 2 mai 2013

L'origine très contestée des marchés financiers


La crise financière qui a démarré en 2007 a mis en exergue le lien étroit entre la théorie économique et la pratique financière et par la même occasion le rôle fondamental de la théorie économique dans cette crise.

En effet, aussi curieux que cela puisse paraitre pour des non-économistes, le système financier tel que nous connaissons aujourd’hui a été pensé à partir des idées écrites dans les livres et autres manuels sur la théorie économique.

Concrètement, nous avons bâti, à partir de ces idées, une structure en lui attribuant des caractéristiques censées assurer son bon fonctionnement. Au fondement de cette structure (ou de ce marché) se trouve la théorie bien connue dite de "l’efficience financière". Il s’agit d’une théorie d’investissement qui soutient qu’il est impossible de "battre le marché" pour la simple raison qu’elle s’appuie sur le postulat selon lequel les titres financiers (actions, obligations, etc.) s’échangeraient toujours à leur juste valeur et donc qu’il n’existerait jamais sur le marché des titres qui soient sous ou surévalués. Le marché défini serait donc une structure proche de la perfection.

Le simple fait d’annoncer qu’un marché financier peut avoir un fonctionnement efficient suffit à créer polémiques et controverses, car il existe autant de données pour appuyer cette idée que pour l’invalider. La récente crise financière constitue une véritable preuve qui va dans le sens de la controverse. En effet, prenons l’exemple des titres adossés à des prêts hypothécaires subprimes. Leur développement a été motivé par les profits qu’ils génèrent, car les détenteurs de ces titres ont perçu en quelques années des montants faramineux de profits.

A posteriori, après l’éclatement de la crise, tout le monde s’est posé la question de savoir comment cela fut possible au vu de la mauvaise qualité des actifs et des risques qu’ils supportaient. La raison est très simple : ces titres ont simplement bénéficié de la légitimation de la théorie économique. L’opinion considèrera cela comme une provocation si nous disons que les agences de notation ne sont pas les principaux responsables comme cela a été tant étalé dans les médias.

Nous devons donc user de pédagogie pour montrer que la réalité est toute autre. La science économique est caractérisée par l’existence de plusieurs courants de pensée (les classiques, les keynésiens, les monétaristes, les libéraux et néo-libéraux, les néo-classiques pour ne citer que les grands). Le courant néo-classique est celui qui croit à l’efficience des marchés financiers. Ce courant a pris le modèle de marché objectif ou réel pour le transposer dans le domaine de la finance. Ce qui revient à considérer que les titres et les actifs sur les marchés financiers représentent les biens et services sur les marchés réels.

De cette comparaison, les partisans de cette théorie économique dominante ont simplement déduit que ces titres adossés à des prêts hypothécaires subprime étaient "bons", c'est-à-dire qu’il n’y avait pas trop de risque à les acheter. Les agences de notations ont alors suivi, appuyées sans aucun doute par le lobby de la finance. En conséquence et donc très logiquement les investisseurs se sont tournés vers ces actifs sans véritablement réfléchir sur leurs éventuels comportements, notamment en situation de stress par exemple.

La crise financière de 2007 a montré que le marché financier n’est pas efficient, car il fonctionne toujours à l’excès, à la hausse comme à la baisse. Ce comportement à forte fluctuation a d’ailleurs été le filon qui a servi au développement de certains produits financiers destinés à générer assez rapidement des profits énormes pour certains acteurs.

L’hypothèse néo-classique apparaît aussi critiquable au moins sur deux autres points :

- Premièrement, au niveau de la notion de valeur fondamentale d’un actif. La théorie néo-classique a mis en avant l’idée que chaque actif avait une valeur fondamentale et que cette valeur était objective. Ce qui sous-entend que le prix d’un actif s’identifie forcément à sa valeur. Le prix de marché d’une action serait, dans cette hypothèse, égal à la valeur de cette action. Le bon sens nous dit pourtant que ce sont là deux choses très différentes. Le problème est que dans la réalité on ne connait pas la valeur d’un actif au moment de son achat, car cette valeur est liée au profit futur que l’actif va rapporter.

Dans le cas d’une action, le profit futur est constitué par les dividendes qu’elle peut procurer. Au moment d’acheter une action, on ne sait pas quel sera son dividende futur. La valeur est donc différente du prix d’achat. Pour arriver à cette conclusion, qui nous semble d’ailleurs une hérésie, les théoriciens néo-classiques ont fait l’hypothèse qu’à un instant donné (t) on pouvait savoir ce qui va se passer dans le futur.

Contrairement à la théorie keynésienne qui va jusqu’à dire que "demain nous serons tous morts", pour montrer qu’il y a une incertitude radicale quant à savoir ce que sera le futur, l’hypothèse néo-classique considère que nous pouvons estimer les probabilités d’événements futurs. Le futur serait donc objectif au point qu’on puisse s’y projeter et dire ce qui va se passer. Sommes-nous proches de quel courant économique en suivant le bon sens ?

- Deuxièmement, au niveau des principes de fonctionnement du marché. Deux notions sont au cœur de l’idée néo-classique, l’autorégulation et l’auto-adaptation. L’autorégulation c’est le retour automatique à l’équilibre sur le marché c'est-à-dire que lorsque le prix d’un titre diminue ou augmente fortement sur le marché, il y a des contreforces qui sont là pour ramener ce prix à sa situation d’équilibre.

Les systèmes à bulle comme la bulle de l’internet au début des années 2000 et la bulle immobilière de 2008 ont montré que les marchés financiers, non seulement ne s’autorégulent pas, mais qu’ils provoquent un phénomène complètement contradictoire par rapport à l’idée selon laquelle on achète quand le prix est bas et on vend quand le prix est haut. Ce que les bulles nous ont montré c’est que lorsque les prix étaient très bas, les acteurs n’ont pas acheté, car ils anticipaient que les prix allaient continuer à baisser.

Ils ont finalement eu raison, car ceux qui ont acheté des titres dans de telles circonstances, en espérant bien sûr une montée, ont perdu beaucoup d’argent. De la même manière, lorsque les prix ont fortement augmenté les acteurs ont continué à acheter, car ils ont constaté que d’autres personnes qui ont acheté dans de telles circonstances dans le passé se sont enrichies. C’est le phénomène bien connu que nous appelons "nourrir la bulle". La crise de 2008 nous a donc montré exactement tout le contraire de ce que prétend la théorie néo-classique, car les fameuses contre-forces qui sont supposées ramener les prix à leur niveau d’équilibre en cas de fortes fluctuations sont restées inertes.

L’auto adaptation est la capacité du marché à apprendre des erreurs et à tirer les leçons du passé. Lorsqu’on étudie de près les crises financières qui se sont succédé depuis 1929, on constate facilement de très fortes ressemblances, comme l’ont montré d’ailleurs à plusieurs reprises l’écrivain Jacques Attali ou l’économiste Paul Jorion. L’idée que nous tirons les leçons du passé est ainsi mise à défaut.

Pour conclure,  on voit clairement que les marchés financiers sont le fruit de certaines croyances et qu’ils sont complètement différents des marchés réels. Les principes définis dans ces croyances ne régulent, par ailleurs, aucunement le comportement des acteurs sur le marché puisque, comme nous venons de le voir, il existe plusieurs mécanismes financiers qui mettent à défaut les principes fondamentaux mêmes qui sont à la base de la création de ces marchés.

La notion de valeur, par exemple, ne guide pas efficacement les acteurs dans leurs choix, car il y a une incertitude sur le niveau de cette valeur dans le futur. En revanche, ce qui caractérise les acteurs sur le marché, c’est ce que certains économistes comme André Orléan appellent "l’autoréférentiel", c'est-à-dire que les acteurs sont constamment en train d’anticiper ce que les autres vont faire. C’est ce qui les guide. De cette relation stratégique entre acteurs, nous pouvons dire qu’il n’y a que deux manières de gagner de l’argent sur les marchés en tant qu’investisseur :

- D’abord lorsqu’on ne sait pas ce que les autres vont faire, mais qu’on arrive à anticiper ce que l’opinion du marché va penser de l’évolution du marché. Ramener aux actifs, cela revient à anticiper ce que l’opinion du marché va penser que la vraie valeur d’un actif va être.

- Ensuite, pour gagner de l’argent il faut avoir en tête que le but n’est pas de chercher à avoir raison contre tout le monde sur le marché, mais de se tromper avec tout le monde et puis être très réactif avant que les gens ne changent d’avis.

Donc, avoir raison sur tout le monde avant que les autres ne vous rejoignent. Telles sont les règles qui régissent un marché et non des idées préconçues de la théorie économique.