mardi 4 octobre 2011

L'innovation et la croissance

La théorie classique d'Adam Smith apporte une première analyse macroéconomique de l'économie du marché. Elle explique que la croissance provient de la division du travail qui permet un accroissement de la productivité grâce au progrès technique. Cette idée de base est développée par Young dans sa théorie du changement technologique endogène.

La théorie classique de la croissance décrite par Ricardo explique des limites de la croissance par la rareté des ressources naturelles, notamment de la terre. À long  terme la terre devient de plus en plus rare et on doit mettre en culture des terres de moins en moins fertiles. Ce qui provoque des conséquences négatives comme la hausse des des prix des produits agricoles et la hausse de la rente foncière qui lamine des profits.

Ricardo a donc décrit le rôle négatif de la rente sur la croissance économique. Nous pouvons distinguer deux types de capital : le capital qui peut être obtenu exclusivement par le travail, que nous appellerons le capital productif, et le capital sous forme des droits divers qui produit une rente, que nous appellerons le capital improductif. Ce n'est que le capital productif qui produit la valeur, le capital improductif n'en produit pas directement mais il se fait rémunérer par le capital productif en lui imposant un paiement d'une rente.

Ricardo et Malthus se sont concentrés sur l'analyse de deux types de capital improductif : les matières premières et le foncier. Ils ont constaté que si la valeur globale des capitaux improductifs devient trop importante par rapport à la valeur des capitaux productifs à cause de la rareté des ressources naturelles, le rendement du capital productif peut trop baisser et empêcher un développement économique.

Ces deux courants de la théorie classique décrivent deux phénomènes différents présents dans l'économie en même temps : celui des économies d'échelle et de la coopération d'une part et celui de la rareté des ressources de l'autre part.

La théorie classique de Ricardo modélise une évolution du niveau de la rente dans l'économie et les conséquences de cette évolution. Nous ne reprenons pas  sa modélisation de l'évolution de la rente mais uniquement le reste de son raisonnement concernant les conséquences de la rente. Nous considérons que le niveau de la rente n'est pas facilement prévisible, car il dépend fortement des décisions politiques et de l'organisation de la société. L'action politique peut ainsi jouer un rôle aussi important que l'effet de la rareté des ressources naturelles dans notre raisonnement.

Nous allons appliquer cette idée de base dans notre analyse économique en tenant compte de toutes les formes des capitaux improductifs, même de celles qui ne sont pas liées à des matières premières ou au foncier. En effet, nous allons considérer que tous les capitaux qui prennent la forme de droits sont des capitaux improductifs. Il y a donc des capitaux improductifs liés à la rareté des ressources naturelles mais aussi des capitaux improductifs liés à des droits créés et émis par les acteurs économiques. Il s'agit entre autres de la monnaie fiduciaire, de la dette, de certaines forme de propriété intellectuelle, des engagements de la politique sociale, des droits d'exercer une activité etc.

L'ensemble de ces capitaux improductifs ne produisent directement aucune valeur et ils doivent puiser leur rémunération en ponctionnant le capital productif. Si la quantité de capital improductif augmente trop rapidement par rapport à la quantité globale de capital productif, le rendement global du capital doit nécessairement diminuer. Cette baisse du rendement diminue la capacité de l'investissement du capital productif et donc affecte négativement la croissance.

Les taux d'intérêt sont une fonction de la liquidité de la dette. Plus la dette est liquide plus les taux d'intérêt ( courts et longs ) sont bas. Le taux d'intérêt correspond aussi au rendement global du capital. Le rendement global du capital et la liquidité sont donc liés, une liquidité croissante correspond à une pénurie de projets d'investissement à long terme rentables. On peut donc dire que l'état stationnaire décrit par Ricardo se manifeste par une grande liquidité des capitaux, un rendement global du capital très bas et par une tendance à rechercher des profits à court terme.

Cette baisse du rendement global du capital a aussi des effets négatifs sur l'innovation. La plupart des théories économiques récentes affirment que l'innovation est un moteur important, voire le moteur principal de la croissance. Or, le capital investi dans le processus de l'innovation subit la même baisse de rendement que l'ensemble des capitaux dans l'économie. C'est donc le processus de l'innovation lui-même qui est directement affecté de manière négative, de même que la croissance que cette innovation doit pourtant stimuler.

Nous compléterons notre raisonnement en ayant recours aux idées d'Adam Smith. En effet, nous expliquons son concept de "la croissance par une meilleure utilisation du travail", par la réutilisation du même travail par plusieurs acteurs économiques. Ce mécanisme peut avoir deux formes de base. La première correspond à une réutilisation en échange d'une rente liée à des concepts proches de ceux de la propriété intellectuelle ou par la création de monopoles via les processus de l'accumulation du capital. La deuxième forme correspond à une diffusion de l'innovation, sans création d'une nouvelle rente par la simple transmission du savoir-faire.

Nous pouvons ainsi échapper à la malédiction des limites imposées par la baisse du rendement global des capitaux décrite plus haut. Il y a d'abord la possibilité de croître grâce à l'élargissement des marchés et  aux économies d'échelle qui en résultent.  Cette voie vers la croissance est efficace mais limitée dans le temps et dans l'espace et surtout elle se termine par l'apparition de monopoles qui auront finalement un effet négatif sur la croissance économique. La croissance est ainsi encore bloquée par des nouvelles rentes : les nouvelles rentes associées aux monopoles créés.

Cette voie du développement n'est heureusement pas la seule possible vers la croissance. Il existe aussi le chemin de la coopération qui n'est pas basée sur les mécanismes de la rente et qui permet une rentabilisation de l'innovation par son usage en masse. Cette large diffusion de l'innovation peut conduire à un gain de rentabilité global substantiel dans son utilisation, ce qui permet d'éviter les conséquences négatives inhérantes au rendement décroissant du processus de l'innovation.

Nous pouvons être tentés de conclure que les échanges marchands conduisent à une stagnation dû au phénomène de la rente et que la croissance et le progrès ne proviennent que des échanges non-marchands. Néanmoins il serait imprudent d'en déduire que les échanges marchands sont nuisibles et qu'il faut les remplacer par des échanges exclusivement non-marchands ou même tout simplement les empêcher. Il est plus raisonnable de penser que les deux types d'échange peuvent coexister en harmonie dans le même système économique.

Prenons l'exemple de la concurrence. À première vue il s'agit d'un phénomène propre aux échanges marchands mais ce n'est vraiment qu'une apparence. En réalité,  un concurrent  bénéficiant d'un savoir-faire supérieur à celui des autres concurrents est rapidement copié par les autres sans aucun versement de rente en contrepartie. C'est donc un mécanisme lié à un échange non-marchand, celui de la diffusion libre du savoir, qui est à l'origine des effets bénéfiques de la concurrence sur l'économie. D'un autre côté la concurrence n'apporte pas de bénéfices à l'économie si les concurrents ne peuvent pas utiliser les mêmes procédés que le concurrent dominant car l'avantage de ce dernier se transformera rapidement en une rente de situation.

Paul Krugman a décrit ce phénomène de la concurrence dans son analyse de l'impact des économies d'échelle dans le commerce international. Il a travaillé sur l'idée des rendements croissants qu'il a intégrée dans sa théorie des échanges internationaux. Il remarque pour sa part que l'essentiel du commerce international n'est pas nord-sud avec des termes inégaux mais bien nord-nord et que les biens échangés sont très similaires : la Suède exporte ses Volvos vers l'Allemagne qui lui vend des BMW. Paul Krugman donne une explication de nature micro économique à ce phénomène, celui de la préférence de la diversité du choix de la part des consommateurs. Notre raisonnement nous permet de donner une explication macro économique du même phénomène, celui de la réduction du capital improductif par un échange non-marchand.

Il existe donc un lien direct entre les concept d'Adam Smith et de Ricardo via les modalités de la diffusion du savoir-faire que l'on peut considérer comme des conditions exogènes à notre modèle. Nous pouvons donc conclure que l'action politique et le cadre réglementaire jouent un rôle décisif dans la détermination des capacités de la croissance économique d'un pays.



vendredi 30 septembre 2011

L'intérêt de la zone euro pour l'Allemagne

Imaginons un scénario de l'éclatement de la zone euro. Il est très fort probable que l'ensemble des créances libellées en euro seraient converties de force en monnaies nationales.  L'ensemble des engagements des personnes résidentes dans un état y compris de l'état lui-même seraient convertis de force en sa nouvelle monnaie nationale et il est pratiquement impossible de trouver un critère raisonnable excluant certaines créances et engagements de cette conversion forcée. Il est aussi probable que les politiques monétaires de la plupart des nouvelles banques centrales seraient  moins restrictives que celle de la Banque centrale européenne d'aujourd'hui.

Ce scénario le plus probable aurait des conséquences dévastatrices pour l'Allemagne. Vu que la zone euro exploserait presque exclusivement à cause du soutien de l'Allemagne de la politique restrictive de la BCE tout le monde pourrait espérer que cette nouvelle politique restrictive serait appliquée aussi par la nouvelle banque centrale allemande. C'est donc l'ensemble des liquidités et des capitaux libellés en euro qui allaient se placer en Allemagne avant l'éclatement de la zone euro.

Ce mouvement des capitaux aurait des conséquences très négatives pour l'Allemagne. Les avoirs en euro à l'étranger seraient convertis en monnaie moins fortes que la nouvelle monnaie allemande. Les Allemandes perdraient donc une grande partie de leurs investissements dans la zone euro. Et l'ensemble des capitaux libellés en euro et déposés en Allemagne seraient convertis en nouvelle monnaie allemande et ils se transformeraient en dette extérieure supplémentaire de l'Allemagne.  Les Allemands seraient donc doublement pénalisés, par une hausse importante de leur endettement et par une baisse substantielles de leurs créances à l'étranger.

Ce choc financier serait tellement violent que même l'Allemagne ne serait pas capable de le supporter et continuer sa politique monétaire restrictive. En effet cette politique restrictive n'est possible que parce que l'Allemagne exporte ses capitaux improductifs vers les pays du Sud de la zone euro et elle exporte ainsi ses propres problèmes monétaires. Si la zone euro et ce mécanisme n'existaient pas la banque centrale allemande aurait dû certainement adopté une politique monétaire moins restrictive que les Allemands imposent à tout le monde aujourd'hui.

Les conséquences de l'assouplissement monétaires

L'assouplissement monétaire ou quantitative easing est une forme de monétisation de la dette, essentiellement de la dette publique. En monétisant la dette la banque centrale change la composition des capitaux improductifs en renforçant la part de ces capitaux les plus liquides, de la monnaie fiduciaire.  Ce renforcement de la liquidité a un effet direct sur la vitesse de circulation de capitaux dans le sens de la théorie quantitative de la monnaie et il contribue directement à une hausse du produit intérieur brut nominal.

L'évolution du produit intérieur brut nominal dépend de l'évolution des prix et du produit intérieur brut réel. En cas d'une hausse des prix le rapport entre le capital improductif de la rente et le capital productif du travail évolue d'une manière favorable pour le capital productif, le capital improductif est pénalisé par une hausse des prix. Cela provoque une hausse du rendement du capital productif, renforce l'innovation et provoque une croissance du produit intérieur brut réel.

Cet effet est efficace notamment dans des configurations économiques avec une quantité du capital improductif par rapport au capital productif trop importante ce qui est le cas des situations de surendettement. La politique de l'assouplissement monétaire dans cette situation produira  donc des effets positifs immédiats sur la croissance.

La politique de l'assouplissement monétaire conduira ainsi à une hausse de la rentabilité globale du capital. C'est pourquoi les taux d'intérêt ne vont pas baisser mais ils vont au contraire monter car ils bénéficieront de cette hausse de la rentabilité globale. Et c'est exactement ce que nous avons pu observer dans la réalité.

La croissance et la rente

La théorie classique de la croissance décrite par Ricardo explique des limites de la croissance par la rareté des ressources naturelles, notamment de la terre. À long  terme la terre devient de plus en plus rare et on doit mettre en culture des terres de moins en moins fertiles. Ce qui provoque des conséquences négatives comme la hausse des produits agricoles et la hausse de la rente foncière qui lamine des profits.

Ricardo a donc décrit le rôle négatif de la rente sur la croissance économique. Nous pouvons distinguer deux types de capital, le capital qui peut être obtenu exclusivement par le travail que nous appellerons le capital productif et le capital sous forme des droits divers qui produit une rente que nous appellerons le capital non productif. Ce n'est que le capital productif qui produit la valeur, le capital non productif n'en produit pas directement mais il se fait rémunérer par le capital productif en lui imposant un paiement d'une rente.

Ricardo et Malthus se sont concentrés sur l'analyse de deux types de capital improductif, les matières premières et le foncier. Ils ont constaté que si la valeur globale des capitaux improductifs devient trop importante par rapport à la valeur des capitaux productifs à cause de la rareté des ressources naturelles le rendement du capital productif peut baisser trop et empêcher un développement économique.

Ces théories classiques modélisent une évolution du niveau de la rente dans l'économie et les conséquences de cette évolution. Nous ne reprenons pas leur modélisation de l'évolution de la rente mais uniquement le reste de leur raisonnement concernant les conséquence de la rente. Nous considérons que le niveau de la rente n'est pas facilement prévisible car il dépend fortement des décisions politiques et de l'organisation de la société. L'action politique peut donc jouer un rôle aussi important que l'effet de la rareté des ressources naturelles dans notre raisonnement.

Nous allons appliquer cette idée de base dans notre analyse économique en tenant compte de toutes les formes des capitaux improductifs, même de ceux qui ne sont pas liés à des matières premières ou le foncier. En effet nous allons considérer l'ensemble des capitaux sous forme des droits comme capitaux improductifs. Il y a donc des capitaux improductifs liés à la rareté des ressources naturelles mais aussi à des droits créés et émis par les acteurs économiques. Il s'agit entre autre de la monnaie fiduciaire, la dette, certaines forme de la propriété intellectuelle, des engagements de la politique sociale, des droits d'exercer une activité etc.

L'ensemble de ces capitaux improductifs ne produisent aucune valeur et ils doivent puiser leur rémunération en ponctionnant le capital productif. Si la quantité du capital improductif monte trop vite par rapport à la quantité globale du capital productif le rendement global du capital doit baisser. Cette baisse du rendement diminue la capacité de l'investissement du capital productif donc la croissance.

Cette baisse du rendement global du capital a des effets négatifs aussi sur l'innovation. La plupart des théories économiques récentes déclarent que l'innovation est un moteur important, voire le moteur principal de la croissance. Or le capital investi dans le processus de l'innovation subit la même baisse du rendement que l'ensemble des capitaux dans l'économique. C'est donc le processus de l'innovation qui est directement affecté d'une manière négative et la croissance que cette innovation doit provoquer.

Je pense donc qu'il est important de limiter la croissance du rapport entre le capital improductif et productif dans l'économie ou même le faire diminuer si nous voulons arriver à une croissance durable.

lundi 26 septembre 2011

Et si l'on s'était lourdement trompé ?

Donc pile trois ans plus tard, après avoir dépensé des milliers de milliards, nous revoilà « au bord de la récession ». Les plans de relance ont dramatiquement alourdi les dettes, mais ils ne sont pas parvenus à atteindre leur objectif : « relancer » les économies pour qu'elles vivent d'elles-mêmes. Dès qu'on ôte au malade une politique monétaire et budgétaire non restrictive, il calanche. Quant aux banques, les risques qui pèsent sur leur bilan  sont sous évalués et elles n'ont l'air en bon état que pour se distribuer de gros bonus.

Naît un doute : s'est-on trompé du tout au tout ? Les plans n'ont-ils servi à rien si ce n'est à aggraver la situation puisqu'en plus il faut maintenant engager des douloureux plans d'austérité car on veut bien reprendre l'ancienne politique monétaire restrictive ? Avons-nous eu affreusement tort d'avoir fait de lord Keynes l'homme de l'année 2009 ?

Ces interrogations viennent à l'esprit à la lecture du dernier rapport du Fonds monétaire international. Olivier Blanchard, le chef économiste, y fait amende honorable. Il admet n'avoir pas vu en début d'année que la reprise était « beaucoup plus lente [que prévu] dans les pays avancés ». En vérité, il n'est pas le seul : les drôles d'experts de Goldman Sachs prévoyaient une expansion de 4 % sur 2011 ! Elle ne sera finalement que de 1,5 %, selon le FMI... Ensuite, poursuit Oliver Blanchard, le ralentissement depuis l'été était annoncé, mais il est d'une ampleur qui, là encore, a surpris les économistes. Bref, « la reprise est devenue beaucoup plus incertaine ».
 
Et que propose le Fonds monétaire ? De rajouter une dose de relance. Il salue le nouveau plan pour l'emploi que propose Barack Obama de 400 milliards de dollars. Il admoneste les Européens qui plongent tous ensemble dans l'austérité. On comprend le président américain. Il a sa réélection en tête et puis, s'il y a des personnes non responsables du maelström, ce sont bien les chômeurs. Mais sur le fond faut-il suivre le FMI et s'en référer encore et encore à Keynes ?

Sur le principe, on admettra volontiers qu'en 2008 l'effondrement était tel qu'il fallait agir. Les courbes étaient impressionnantes : les productions comme la Bourse chutaient plus vite qu'en 1929. Agir, relancer a évité que ne se reproduisent les errements du XX e siècle. Mais la chute stoppée n'a pas entraîné la remontée. Là est l'erreur : on a cru que, puisque l'économie se rétablissait, elle retrouvait son fonctionnement précédent malgré une politique monétaire restrictive. Or, et il faut souligner qu'Olivier Blanchard et beaucoup d'économistes n'ont cessé de le dire : « Les fragilités structurelles » de la période achevée par la crise des « subprimes » n'ont pas été corrigées, ou bien trop peu. C'est vrai de l'économie réelle : les pays importateurs comme les États-Unis ou la France doivent régler leur problème d'emploi, c'est-à-dire de compétitivité. C'est vrai du système financier, qui a cru pouvoir « repartir comme avant », c'est-à-dire profiter des politiques restrictives des banques centrales et des bulles que cette politique monétaire provoque. Quelle est la bonne finance post-Lehman ? Les disputes sur cette question ne sont pas réglées, au contraire, comme on le voit sur les cours de Bourse des établissements français.

Aujourd'hui, le montant total des dettes est tel que les acteurs prennent peur. Les économistes croient que la politique économique doit être conduite talon-pointe, comme disaient les pilotes naguère, en massacrant les dépenses inutiles à la croissance et en grossissant les autres. Mais il faudrait surtout que les banques centrales vers qui on se tourne modifient les principes de leur politique monétaire, car elles seules disposent de marge de manœuvre suffisant (surtout la BCE). Elles peuvent aussi imposer des réformes structurelles aux gouvernements même si elles sont à l'origine des problèmes économiques actuels.

La leçon générale de la replongée, de ce « double-dip soft » que nous traversons, est désormais limpide : la crise a révélé que c'est le mode de croissance qu'il faut entièrement redéfinir. Non pas seulement à cause de l'endettement public (France) ou privé (monde anglo-saxon, Espagne). L'endettement n'est pas la racine du mal, il est l'analgésique qui a permis d'éviter de regarder le mal en face. Le mal c'est le déséquilibre chronique de 40 ans entre le niveau de la consommation et la productivité dans les pays occidentaux.

Pour parler de la seule France, le plan de relance a permis de gagner un peu de temps, mais la croissance qui retombe vers 1 % impose d'affronter cette fois-ci « face à face » le problème d'un déficit commercial monstrueux qui prouve qu'on produit de moins en moins en France. Le déficit public est moins fondamental par son volume que par le problème d'un État providence qui est sapé dans ses tréfonds par la mondialisation, l'individualisme et le grippage des mécanismes de la redistribution. Allons-nous, cette fois enfin, en prendre conscience ?

Cet article utilise le langage et l'argumentaire de l'article  suivant.

Les défis de la politique économique d'aujourd'hui

Sauver la Grèce. Sauver les banques. Sauver le AAA de la France et de l'Allemagne. Sauver la croissance. Tel est le défi que nos gouvernants croient devoir relever dans les toutes prochaines semaines. Jusqu'à présent, ils ont agi d'une manière erratique. Ils n'ont pas eu la chance d'avoir un choc à la Lehman Brothers qui a montré instantanément en 2008 ce qu'il fallait faire. S'ils n'agissent dans le bon sens, nous risquons un choc encore plus violent que celui créé par la faillite de la banque new-yorkaise.

Sauver la Grèce donc, parce que les plans appliqués jusqu'à présent ne correspondaient pas à la nature du problème. Sauver les banques européennes, parce que leurs solvabilité dépend presque exclusivement de la politique monétaire. Sauver le AAA de la France et de l'Allemagne, malgré le fait que cette note aura peu d'effets sur le fonctionnement de la zone euro. Sauver la croissance enfin, parce que l'épuisement des effets éphémères des plans de relance mis en place en 2008 provoque une pagaille sur les marchés financiers. L'opinion des industriels interrogés par l'Insee sur les perspectives générales de production a chuté comme jamais depuis trente-cinq ans.


Dans les coulisses des négociations internationales de ces derniers jours à Washington, on semble avoir esquissé un plan de sauvetage. Un plan qui n'est pas basé sur une analyse rationnelle de la situation. Les Etats européens travailleraient, pour venir en aide aux pays en difficulté, sur un pare-feu bien plus large que celui décidé le 21 juillet. La Banque centrale européenne devra assouplir ses conditions. Les créanciers privés prendraient leurs pertes, n'en déplaise au Premier ministre, François Fillon. Les pouvoirs publics devront recapitaliser les banques qui en auront besoin, avec vigilance pour ne pas gaspiller de ressources. Les États-Unis et les pays émergents devront apporter leur soutien. Pour l'instant, chacun semble se raccrocher au calendrier comme on se raccroche aux rideaux - vote du Parlement allemand sur le fonds européen le 29 septembre, réunion des ministres des Finances du G20 les 14-15 octobre, sommet des chefs d'État et de gouvernement du même G20 à Cannes les 3 et 4 novembre... Mais les forces destructrices qui se sont déchaînées sur les marchés financiers sont telles que l'inefficacité de ce plan se manifestera rapidement. Il n'est pas encore trop tard pour réfléchir et prendre des mesures efficaces.

Cet article utilise le langage et l'argumentaire de l'article suivant.

La politique économique et la morale

La politique économique est un système des règles conventionnelles ou  un ensemble de mesures destiné à répondre aux attentes de la société. Elle est politique mais aussi intellectuelle, pas seuls ses résultats doivent correspondre aux attentes de la société mais aussi sa mise en œuvre et les moyens employés.

La règle d’or en contraignant la dépense publique de manière constitutionnelle nous fait abandonner sans discussion un bien public celui de la possibilité de modifier la politique économique en fonction de ses résultats. Ce choix s’inscrit dans une dynamique à l’œuvre en Europe depuis presque vingt ans. Les théories économiques ont donné leur légitimation intellectuelle à cette orientation en montrant que l’État non seulement ne savait pas faire, mais n’avait pas le souci de l’intérêt général. Les politiques économiques répondraient à des objectifs moraux et pour ce faire utiliseraient à des fins critiquables l’outil budgétaire et monétaire. La fortune de ces courants a trouvé une traduction institutionnelle d’une part dans l’indépendance des banques centrales dont l'objectif principal devenait la règle morale de la stabilité des prix . La règle d'or au niveau national est le continuum de cette aversion pour la rationalité. Une préférence désastreuse -économiquement et démocratiquement- pour la « règle » au détriment de la  « réflexion ».

Démocratiquement, elle renforce le sentiment, voire la conviction, que les peuples sont abandonnés à leur sort, coincés entre des marchés financiers anonymes, suivants aveuglement des règles fixées par les pouvoirs publics et aux intentions peu compréhensibles et une Europe « brouillonne », peu rationnelle et terriblement moralisateur. Mais peut-être l’efficacité économique serait le prix à payer pour ce renoncement de la réflexion ? On pourrait penser que présenter un budget en équilibre est un bien public pour les générations présentes et futures tout comme la stabilité des prix nous l’avait été présenté au moment de la naissance de la BCE. Mais c’est là que l’atteinte à la rationalité se double d’une critique de nature économique. Prenons le cas significatif du pacte de stabilité, ce pacte devait être un pacte de bonne discipline pour éviter un laxisme budgétaire qui se ferait au détriment des autres. Il a entraîné un vaste concours de maquillage comptable, remporté par les « héllènes ». Tandis que les plus puissants de la zone comme l’Allemagne ou la France ont su en leur temps, en fonction de leurs résultats, obtenir révision de ce dernier.

Mais c’est surtout l’échec de la logique contenue dans la règle qu’elle révèle. En somme il fallait contraindre la politique monétaire par l’indépendance des BCE et contraindre l’outil budgétaire par le le Pacte de Stabilité et de Croissance afin de dessiner un cadre macroéconomique stable rassurant pour les investisseurs institutionnels et favorable aux réformes de structure : flexibilisation du marché du travail, réforme de la protection sociale, libéralisation, mise en concurrence des anciens services publics. Cet enchaînement vertueux ne s’est pas produit. Mais la crise qui a redonné brièvement la place aux politiques discrétionnaires aussi peu rationnelles que les règles précédentes à travers des plans de relance a laissé place à nouveau à cette obsession de la règle et au renforcement de la doctrine. L’austérité devient la règle de fait. Force est de constater que lorsque la réalité donne tort à l’idéologie c’est la réalité qui a tort.

Aujourd’hui nous risquons alors avec ces règles d’or de renforcer ce jeu mettant aux prises marchés financiers et nations. Lors du débat du collectif budgétaire, les marchés financiers s’inviteront et procéderont aux arbitrages en fonction de l'irrationalité des choix politiques. Ils brandiront ces instruments qui fascinent parce qu’ils contiennent la puissance de l’inconnu : les fameux spread et CDS (Crédit Default Swap). Et ils mettront à genoux tout état qui pratique une politique économique irréaliste. Une plus grande austérité sera au rendez-vous car les objectifs de réduction de déficit seront inatteignables. La croissance sera perdante, les marchés s'écrouleront, les inégalités poursuivront leur recrudescence et la cohésion sociale un peu plus effritée.

Sous la pseudo-modernité des termes Pacte de Stabilité et de Croissance, règle d’or,  se cache en réalité de vieux principes de la morale protestante. Certes il ne s’agit pas de célébrer la dépense pour elle-même ou de s’épargner une critique de l’Etat et de ses interventions ou bien encore de diaboliser les marchés financiers ou l’appétit du lucre mais de dire  qu’une reconstruction de la rationalité et de la réflexion est l’une des taches majeures des prochaines décennies ; les sorties de crise sont filles de la raison et non du fragile pseudo savoir de la morale. La règle d’or participe de la déconstruction de ces procédures plus que de leur reconstruction.

vendredi 23 septembre 2011

La crise de la zone euro du point de vue monétaire

La zone euro est entrée dans une crise durable et il semble que personne ne voit aucune solution à la crise actuelle. C'est pourquoi j'ai essayé de faire une analyse de la situation de la zone euro du point de vue monétaire.

Je commence par une analyse de la crise économique qui concerne les pays occidentaux autres que ceux de la zone euro, la zone euro a des problèmes supplémentaires et son fonctionnement est plus compliqué à cause de la monnaie commune. Après je vais adapter cette analyse générale à un système monétaire avec une monnaie commune.

Il faut d'abord comprendre qu'est-ce que la monnaie. Dans nos économies actuelles la monnaie est une créance payable à vue envers une banque centrale qui émet la monnaie. Et parce qu'une banque centrale est une propriété d'un état on peut dire aussi que la monnaie est une créance payable à vue envers un état via sa banque centrale. Mais c'est l'ensemble des créances envers l'état, même celles qui sont payables à terme qu'il faut inclure dans la masse monétaire. C'est un point important dans mon analyse qui n'est pas partagé par certains économistes qui distinguent la dette publique et la monnaie du même état.

En réalité la monnaie émise par une banque centrale n'est pas payable à vue car elle n'est pas convertible en or ou en autres actifs détenus par la banque centrale. Au contraire, la monnaie d'une banque centrale est une dette à l'échéance infinie, jamais remboursée. Et la même chose est valable pour les dettes de l'état payables à terme car ces dettes ne sont payables que par une monnaie de la banque centrale, donc par des créances qui ne seront jamais honorées. Il n'y a donc aucune raison fondamentale de distinguer la monnaie d'une banque centrale et la dette d'un état dans la monnaie de sa banque centrale qu'il possède et contrôle. Il n'y a que la facilité de circulation des formes différentes de ces créances de l'état qui n'est pas la même et qui détermine la valeur relative des formes différentes de ces dettes publiques.

La majorité des économistes n'incluent pas l'ensemble des dettes libellées dans la même devise dans la masse monétaire. Ils excluent surtout des dettes avec une échéance dépassant 2 ans. Mais l'échéance de la dette ne change pas fondamentalement la nature de cette dette, c'est pourquoi il n'y a aucune raison d'exclure la dette à plus long terme de la masse monétaire utilisée dans des formules de la théorie quantitative de la monnaie. Il n'y a que la vitesse de circulation de ces capitaux qui est affectée par l'échéance lointaine et leur valeur devient aussi variable dans le temps surtout à cause des évolutions des taux d'intérêt mais pas seulement. C'est aussi à cause de cette variabilité de la valeur des dettes à terme que le montant global de la masse monétaire peut augmenter ou baisser d'une manière rapide.

Depuis la fin des années 70 l'ensemble des pays occidentaux ont adopté une doctrine de la stabilité monétaire sous forme d'une parité de la monnaie avec la valeur de la corbeille de la ménagère. La plupart des économistes considèrent que cette doctrine est la seule bonne et je vais essayer de démontrer qu'ils ont tort.

Les états sont en déficit depuis les années 70 parce qu'ils vivent au dessus de leurs moyens à cause de leur volonté de garantir le respect de tous leurs engagements pris en valeur réelle et du niveau de vie de leurs populations, indépendamment de leur productivité réelle.

Pour assurer le financement de leur déficit les états ne peuvent plus le financer directement auprès de leur banque centrale car ce type de financement provoquerait une augmentation de la masse monétaire sans baisse de la vitesse de sa circulation. Comme la théorie quantitative de la monnaie  nous enseigne ce type de déficit provoque directement une hausse du PIB nominal donc aussi probablement une hausse des prix. Et cette hausse des prix est devenue incompatible avec la nouvelle doctrine de la "stabilité monétaire" des banques centrales. L'état est donc obligé de financer son déficit avec une masse monétaire dont il limite la vitesse de circulation : c'est la dette publique qui permet de neutraliser en partie cette masse monétaire en rendant sa circulation plus difficile. Cette stratégie a un coût pour l'état, il doit payer le service de la dette en échange de cette neutralisation.

Depuis la fin des années 70 les pouvoirs publics mènent ainsi une politique monétaire restrictive qui cherche à neutraliser une partie de plus en plus importante de la masse monétaire afin de garantir la parité de la monnaie avec le prix de la corbeille de la ménagère.

Maintenant regardons le fonctionnement du système financier. Il a pour but de créer la masse monétaire ou rendre la masse monétaire plus accessible donc d'augmenter la vitesse de circulation de cette masse monétaire. Les objectifs mêmes du système financier privé sont contraires à la politique monétaire des pouvoirs publics. Le système financier actuel défait donc ce que les pouvoirs publics cherchent à mettre en place en se faisant payer pour ce service ! Le service financier est donc comme une entreprise de défiscalisation qui ne gagne de l'argent qu'en démontant la politique fiscale d'un état. Heureusement le système financier est assez performant et il arrive à contrer la politique monétaire publique d'une manière assez efficace et limiter ainsi des dégâts que cette politique provoque sur l'économie.

Il n'empêche qu'il s'agit d'un vrai gâchis. Les états créent ainsi une dette qui devient de plus en plus importante par rapport à la production de l'économie réelle. Et parce que la seule source de la rémunération du capital provient de cette économie réelle, le rendement moyen du capital baisse. Pourquoi ? Parce que le montant global du capital est de plus en plus important par rapport aux bénéfices de l'économie réelle qui reviennent au capital dans le PIB. On peut dire qu'il y a de plus en plus de capital improductif conformément à la loi des rendements décroissants.

Le problème de la baisse de la rentabilité globale du capital a des conséquences négatives sur l'économie réelle. Les entreprises gagnent de moins en moins de l'argent, elles investissent peu et elles délocalisent dans les pays qui proposent un rendement du capital supérieur grâce à une autre politique monétaire. On subit aussi une hausse brutale du prix de l'immobilier, le montant des loyers ne baisse pas et donc l'évolution des prix de l'immobilier est inversement proportionnelle à la baisse du rendement global des capitaux. Plus les taux d'intérêt longs baissent plus le prix de l'immobilier monte.

Malheureusement le système financier mondial a perdu une partie de sa capacité de fonctionner et d'annuler les effets des politiques restrictives des banques centrales occidentales. Les effets néfastes de cette politique monétaire peuvent donc se manifester aujourd'hui pleinement par une crise financière globale  la plus profonde depuis 1930. Et vu sa faiblesse actuelle il n'y a plus d'espoir que le système financier arrive à nous faire sortir de cette crise en neutralisant les effets de la politique monétaire publique.

Si on analyse bien les propositions de la plupart des économistes on remarquera qu'elles sont basées sur un principe : celui du respect inconditionnel des engagements pris. Ce principe est au cœur de la morale protestante qui a permis le développement économique de l'occident et la suprématie de son économie dans le monde. Il n'empêche que la doctrine de Jean Calvin ne marche pas au niveau macroéconomique car elle ne respecte pas l'équilibre global entre la rentabilité financière et les résultats des projets concrets associés aux financements.

L'ancienne tradition chrétienne qui a été intégrée dans la théologie de Saint Thomas d'Aquin qui s'appuyait sur les enseignements d'Aristote selon lequel l'argent ne peut pas produire d'enfants interdisait cette pratique. Le prélèvement d'intérêts est caractérisé comme un moyen injuste, déshonorant et contre nature d'accaparer le bien d'autrui. Mais depuis la Réforme protestante, par la voix de Jean Calvin en particulier, l'interdit du prêt à intérêt a été aboli progressivement dans les pays européens et occidentaux. Mais ce principe n'a pas été adopté d'une manière universelle. La finance islamique est basée sur des principes différents, celui de l'interdiction de l'intérêt et de la responsabilité sociale de l'investissement ce qui lie étroitement la rentabilité d'un investissement avec les résultats du projet concret associé.

Ce n'est donc pas l'immoralité ou l'amoralité du capitalisme qui constitue un problème mais le choix des règles morales qui sont à la base des politiques monétaires actuelles. On pourrait bien argumenter sur le plan moral qu'une exigence d'un respect strict et inconditionnel de tous les engagements pris sans lien avec la rentabilité de l'ensemble de l'économie correspond à un moyen injuste, déshonorant et contre nature d'accaparer le bien d'autrui. En remplaçant la règle morale actuelle de Jean Calvin par une règle morale de la responsabilité sociale dans la gestion monétaire on pourra faire disparaître des déséquilibres monétaires actuels au niveau macroéconomique et reprendre le chemin de la prospérité et de la croissance.

Les premières crises provoquées par le respect dogmatique de la doctrine protestante ont commencé au 19ème siècle avec des crises cycliques décrites par Marx qui a essayé de trouver leur explication sans y parvenir vraiment. La dernière crise cyclique des années 30 a forcé les pouvoirs publics d'abandonner l'engagement de l'état de garantir la convertibilité de sa monnaie en or d'une manière inconditionnelle.

L'abandon de cet engagement a permis de laisser prospérer les économies occidentales jusqu'au choc pétrolier des années 70. En effet un autre engagement implicite s'est installé dans les économies occidentales, celui de la garantie du niveau de vie réel de leurs habitants. Après le choc pétrolier ce nouvel engagement impossible à tenir a provoqué un nouveau cercle infernal des crises que nous subissons jusqu'aujourd'hui.

Les états ont essayé de tenir cet engagement intenable d'abord par une indexation des salaires sur les prix. Mais cette politique a provoqué une inflation importante dans les années 70 et jusqu'aux premiers années sous François Mitterrand. Les économistes ont donc trouvé une autre voie comment essayer de tenir cet engagement sans inflation et ils ont inventé le système actuel de la politique monétaire restrictive provoquant une accumulation catastrophique des dettes publiques.

À propos, on prédit des crises économiques en Chine depuis 20 ans et elles n'arrivent toujours pas. L'explication est simple : l'état chinois ne suit pas les doctrines de Jean Calvin. L'état chinois ne cherche pas à respecter ses engagements quand un respect stricte de ses engagements est contraire à l'intérêt général. Les crises que nous connaissons en occident sont donc impossibles dans une société ultra pragmatique où tout engagement ou toute règle peuvent être remises en cause.

Après mon analyse de la politique monétaire restrictive en général je vais essayer de l'appliquer à la zone euro, un système avec une monnaie commune.

La Banque centrale européenne mène une politique monétaire la plus restrictive de toutes les banques centrales et cette politique est inscrite dans les traités. Les états de la zone euro doivent donc pratiquer la même politique budgétaire que les autres pays occidentaux avec une politique monétaire restrictive en accumulant la dette publique.

Malheureusement le lien direct entre la dette publique et la banque centrale a été rompu, la dette des états de la zone euro n'est plus libellée en leur propre monnaie mais dans une monnaie commune. Cette dette ne bénéficie donc plus de la garantie implicite ou explicite d'une banque centrale qui garantirait son remboursement en tant que prêteur de dernier ressort. L'absence de cette garantie constitue un risque pour les prêteurs et elle provoque des coûts supplémentaires pour l'ensemble des pays de la zone y compris l'Allemagne.

Mais ce n'est pas le seul problème de la zone euro. Les états membres n'y sont pas entrés avec le même niveau de l'endettement public, ils ne sont pas au même niveau dans le cycle d'accumulation de la dette. Par exemple l'Italie et la Grèce ont été en avance par rapport à la plupart des autres pays et cette avance dans l'endettement a provoqué une récession dans ces deux pays, la zone euro ne permet pas de gérer le mécanisme de l'endettement des états trop disparate. C'est ainsi que l'Italie et la Grèce se voient prélever le coût du financement de leurs dettes au profit de l'Allemagne et de la France et cela depuis 10 ans.

Les dettes publiques de la zone euro souffrent aussi des incertitudes politiques, du risque de l'éclatement de la zone euro et de la conversion forcée de ces dettes en monnaies nationales. L'Allemagne profite de ce risque car on suppose que la nouvelle monnaie allemande sera plus forte que l'euro actuel. Mais ce risque politique a un coût prohibitif pour les pays du Sud.

Tout cela a une conséquence très négative : les dettes publiques sont en concurrence entre elles. C'est la dette allemande qui profite de cette concurrence et qui voit le coût de son maintien subventionné surtout par les pays du Sud, par la Grèce, l'Italie, le Portugal et l'Espagne.
Si on veut sauver la zone euro il y plusieurs mesures à prendre :
  1. il faut maintenir un niveau similaire de l'endettement des pays de la zone et corriger des erreurs commises durant l'entrée des pays dans la zone avec une dette excessive initiale en monétisant une partie de cette dette excessive 
  2. il faut introduire une garantie explicite ou implicite de la Banque centrale européenne des dettes publiques.

Ces deux mesures permettront de sauver la zone euro mais ils ne résoudront pas les problèmes généraux liés à la politique restrictive de la Banque centrale européenne, ceux qui sont subis par l'ensemble des pays occidentaux. Il faudrait aussi abandonner cette politique restrictive.

Le système actuel de la zone euro provoque encore d'autres effets pervers. La libre circulation de tous les capitaux permet des transferts des capitaux des pays avec une faible rentabilité vers les pays offrant une meilleure rentabilité des capitaux. S'il s'agissait seulement des capitaux investis dans la production ce flux des capitaux serait bénéfique au pays qui le reçoit. Malheureusement ce sont surtout des capitaux improductifs investis dans la dette et dans le foncier qui ont été transférés. Les pays exportateurs des capitaux, surtout l'Allemagne, ont amélioré leur rapport entre les capitaux productifs et improductifs et les pays importateurs ont subi une dégradation de ce rapport. Le rendement des capitaux des pays exportateurs s'est ainsi amélioré et le rendement des capitaux des pays importateurs s'est détérioré. C'est donc l'ensemble du développement économique des pays du Sud de la zone euro qui a été ralenti par l'existence de la zone euro.

C'est donc aussi une baisse globale du rapport entre le montant des capitaux improductifs et productifs qu'il faut faire baisser si l'on veut sauver la zone euro. Et ce n'est possible qu'en adoptant une politique monétaire non restrictive.

Je dois ajouter que toutes ces mesures sont interdites par les traités européens actuels.

Vous pouvez remarquer que la politique monétaire chinoise actuelle correspond au raisonnement que j'ai présenté dans mon article.