lundi 26 septembre 2011

Et si l'on s'était lourdement trompé ?

Donc pile trois ans plus tard, après avoir dépensé des milliers de milliards, nous revoilà « au bord de la récession ». Les plans de relance ont dramatiquement alourdi les dettes, mais ils ne sont pas parvenus à atteindre leur objectif : « relancer » les économies pour qu'elles vivent d'elles-mêmes. Dès qu'on ôte au malade une politique monétaire et budgétaire non restrictive, il calanche. Quant aux banques, les risques qui pèsent sur leur bilan  sont sous évalués et elles n'ont l'air en bon état que pour se distribuer de gros bonus.

Naît un doute : s'est-on trompé du tout au tout ? Les plans n'ont-ils servi à rien si ce n'est à aggraver la situation puisqu'en plus il faut maintenant engager des douloureux plans d'austérité car on veut bien reprendre l'ancienne politique monétaire restrictive ? Avons-nous eu affreusement tort d'avoir fait de lord Keynes l'homme de l'année 2009 ?

Ces interrogations viennent à l'esprit à la lecture du dernier rapport du Fonds monétaire international. Olivier Blanchard, le chef économiste, y fait amende honorable. Il admet n'avoir pas vu en début d'année que la reprise était « beaucoup plus lente [que prévu] dans les pays avancés ». En vérité, il n'est pas le seul : les drôles d'experts de Goldman Sachs prévoyaient une expansion de 4 % sur 2011 ! Elle ne sera finalement que de 1,5 %, selon le FMI... Ensuite, poursuit Oliver Blanchard, le ralentissement depuis l'été était annoncé, mais il est d'une ampleur qui, là encore, a surpris les économistes. Bref, « la reprise est devenue beaucoup plus incertaine ».
 
Et que propose le Fonds monétaire ? De rajouter une dose de relance. Il salue le nouveau plan pour l'emploi que propose Barack Obama de 400 milliards de dollars. Il admoneste les Européens qui plongent tous ensemble dans l'austérité. On comprend le président américain. Il a sa réélection en tête et puis, s'il y a des personnes non responsables du maelström, ce sont bien les chômeurs. Mais sur le fond faut-il suivre le FMI et s'en référer encore et encore à Keynes ?

Sur le principe, on admettra volontiers qu'en 2008 l'effondrement était tel qu'il fallait agir. Les courbes étaient impressionnantes : les productions comme la Bourse chutaient plus vite qu'en 1929. Agir, relancer a évité que ne se reproduisent les errements du XX e siècle. Mais la chute stoppée n'a pas entraîné la remontée. Là est l'erreur : on a cru que, puisque l'économie se rétablissait, elle retrouvait son fonctionnement précédent malgré une politique monétaire restrictive. Or, et il faut souligner qu'Olivier Blanchard et beaucoup d'économistes n'ont cessé de le dire : « Les fragilités structurelles » de la période achevée par la crise des « subprimes » n'ont pas été corrigées, ou bien trop peu. C'est vrai de l'économie réelle : les pays importateurs comme les États-Unis ou la France doivent régler leur problème d'emploi, c'est-à-dire de compétitivité. C'est vrai du système financier, qui a cru pouvoir « repartir comme avant », c'est-à-dire profiter des politiques restrictives des banques centrales et des bulles que cette politique monétaire provoque. Quelle est la bonne finance post-Lehman ? Les disputes sur cette question ne sont pas réglées, au contraire, comme on le voit sur les cours de Bourse des établissements français.

Aujourd'hui, le montant total des dettes est tel que les acteurs prennent peur. Les économistes croient que la politique économique doit être conduite talon-pointe, comme disaient les pilotes naguère, en massacrant les dépenses inutiles à la croissance et en grossissant les autres. Mais il faudrait surtout que les banques centrales vers qui on se tourne modifient les principes de leur politique monétaire, car elles seules disposent de marge de manœuvre suffisant (surtout la BCE). Elles peuvent aussi imposer des réformes structurelles aux gouvernements même si elles sont à l'origine des problèmes économiques actuels.

La leçon générale de la replongée, de ce « double-dip soft » que nous traversons, est désormais limpide : la crise a révélé que c'est le mode de croissance qu'il faut entièrement redéfinir. Non pas seulement à cause de l'endettement public (France) ou privé (monde anglo-saxon, Espagne). L'endettement n'est pas la racine du mal, il est l'analgésique qui a permis d'éviter de regarder le mal en face. Le mal c'est le déséquilibre chronique de 40 ans entre le niveau de la consommation et la productivité dans les pays occidentaux.

Pour parler de la seule France, le plan de relance a permis de gagner un peu de temps, mais la croissance qui retombe vers 1 % impose d'affronter cette fois-ci « face à face » le problème d'un déficit commercial monstrueux qui prouve qu'on produit de moins en moins en France. Le déficit public est moins fondamental par son volume que par le problème d'un État providence qui est sapé dans ses tréfonds par la mondialisation, l'individualisme et le grippage des mécanismes de la redistribution. Allons-nous, cette fois enfin, en prendre conscience ?

Cet article utilise le langage et l'argumentaire de l'article  suivant.

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